Mise en garde à vue à tort

Je suis professeur des écoles depuis 16 ans et cela fait 11 ans que j’ai des CP. Cette année-là, trois élèves perturbateurs se sont retrouvés sanctionnés : mis au coin, avec une punition du style “Je ne dois pas déchirer exprès la feuille de mon camarade”, à copier une seule fois, car nous étions en début de CP. Ces trois familles se sont montées la tête. Elles ont essayé d’ameuter tous les parents d’élèves de cette classe et des autres classes pour faire une pétition contre moi. Elle n’a pas pu être faite faute de parents allant dans leur sens.

À la suite de cela, ils ont quand même déposé plainte directement auprès du procureur qui devant le nombre – trois personnes… – a décidé de poursuivre. Quatre mois après, le 21 février, j’ai été convoquée au commissariat et mise en garde à vue pour violence aggravée sur enfant. Et ce, sans aucun certificat médical, bien sûr, puisque la seule chose que j’avais faite était d’avoir ramassé par le bras un enfant qui se roulait par terre. Mais, ça, apparemment, c’est une violence physique.

J’aurais insulté les élèves. J’étais méchante, ils ne voulaient plus venir à l’école, bien sûr, j’essayais de les faire travailler. J’osais leur tenir de force la main pour écrire. (Nous étions au début du CP !).

Vous imaginez comment j’ai vécu cette garde à vue. J’ai cru que c’était un cauchemar. Elle a très vite été levée. Quand ma hiérarchie l’a apprise, elle a joint le procureur. Le commissaire a même téléphoné à la maison pour présenter des excuses au nom de la police car je n’aurais jamais dû être mise en garde à vue. Mais par le zèle d’un jeune procureur et l’excès de zèle d’un policier fils de prof m’avait-il dit et sans doute ayant des comptes à régler avec lui et l’Éducation nationale. J’ai dû subir cette humiliation.

Les parents d’élèves l’ayant su, se sont mis en colère, ont organisé une pétition, écrit des témoignages où tous les points qui m’étaient reprochés étaient démentis pour des cas équivalents. Les collègues ont fait de même, les écoles de la ville ont été fermées un après-midi et les syndicats ont organisé une réunion lors de laquelle, en pleurant, j’ai raconté ma mésaventure. L’affaire a été classée sans suite, mais je ne l’ai su que deux ans après.

Mon désespoir, c’est que mon avocat m’a déconseillé de porter plainte, car selon elle, je n’arriverai pas plus à prouver qu’ils avaient menti qu’eux n’ont réussi à prouver ce qu’ils dénonçaient. Et depuis, je vis avec la peur au ventre que ça recommence, que la méchante maîtresse a encore osé punir, qu’elle a osé crier sur tel chérubin, et bien d’autres encore. Car maintenant, j’ai un passé. Même s’il est classé.

Depuis cette mise en cellule, je fais des crises d’angoisse, j’ai toujours des cachets à portée de main. On ne peut pas faire correctement notre travail. Et lorsqu’ils sont en échec, c’est bien sûr de notre faute. Merci de m’avoir lue jusqu’au bout, et bon courage à tous !

— Primaire, 16 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.