Terrorisée par ses élèves

J’ai dû, à 52 ans, prendre une retraite anticipée pour « pétage de plombs », j’étais professeur d’arts plastiques au collège près de Besançon, dans le Doubs. Suite à une deuxième suppression de poste, dans ma carrière. « on » m’a mise là où personne ne voulait aller, en « titulaire remplaçante ». Entre autres « incivilités », comme l’on se plaît à surnommer pudiquement et fort hypocritement les « amusements et autres plaisanteries » de ces chers bambins, je vous narre. Je n’osais plus jamais tourner le dos à ma classe.

Si j’avais le malheur de le faire, du fond de la salle, quelques « joyeux drilles » s’amusaient à viser le bureau avec des cartouches d’encre – bien évidemment décapsulées – expédiées avec force et précision par un moyen fort subtil maintenu secret. Je ne compte plus le nombre de « sarbacanes » confisquées. Lesquelles cartouches éclataient en touchant la cible : moi, le bureau ou un des élèves du premier rang, selon l’habileté du tireur. J’ai déposé, un jour le cahier de texte de la-dite classe (niveau 4°), maculé d’encre dans le bureau du principal… Résultat ? Pas même la recherche des coupables. « Fiches d’incidents » à remplir.

A la fin de chaque heure de cours, dans un collège « sensible », on se lasse d’être obligée, à chaque heure de remplir une « fiche d’incidents », laquelle ne sera, de toute façon, pas suivie d’effet. Dans la même classe, une autre fois, trois élèves se sont concertés pour aller dans mon sac à main – non à leur portée, bien évidemment, mais sur une table, derrière le bureau, en retrait – voler cigarettes, briquet en argent et téléphone portable. L’un m’avait attirée au fond de la salle, sous prétexte de discuter du travail en cours. Les autres se chargeant d’aller ouvrir le sac, y prélever les objets. Une dénonciation (on appelle cela une « balance », paraît-il, quand une élève honnête est révoltée, fait un acte de citoyenneté ?) a permis de savoir qui étaient les trois garçons. « C’est pas moi, M’dame »

Toujours est-il que je me suis entendu accuser de racisme, bien sûr. L’un était maghrébin, l’autre noir et le troisième blond aux yeux bleus. Passons. Vous connaissez, je suppose. Il m’est arrivé un jour de ne pas entendre une bonne élève qui faisait une crise d’asthme, tant le brouhaha, que je ne pouvais faire cesser était important, tant ces « élèves » se moquaient éperdument de ce que je pouvais leur raconter. J’avoue honnêtement que les dernières semaines de ma carrière, j’ai fait de la « garderie d’élèves » et du « gardiennage de Bien public ».

Je ne suis ni assistance sociale, ni psychiatre, ni psychologue, ni Mère Térésa. Je ne pouvais plus donner de mes faibles capacités. J’ai renoncé. Comme beaucoup d’autres professeurs de ma connaissance. « Vol en réunion ». J’ai insisté pour que cela s’intitule ainsi en portant plainte. Feuille « d’incident », bien sûr… J’ai porté plainte, donc officiellement… Malgré la réticence du chef d’établissement. J’avoue que j’avais peur des élèves, de leur famille, des parents. Cette « anecdote » a mis fin à ma carrière de professeur (30 ans de dévouement, de vocation et d’écœurement). J’ai atteint ce jour-là le summum du dégoût.

Depuis, je suis décontractée, je vis bien, normalement, calmement. Certes, j’ai une faible retraite, mais, au moins, je ne vais plus, chaque matin, la peur au ventre, à mon travail. Je ne prends plus de tranquillisants, d’antidépresseurs et de somnifères. Je passe sur les adjectifs dont j’ai envie de qualifier notre chère Éduc’ Nat’. Je compatis énormément à ce que subissent mes « ex » collègues.

Bon courage à vous.

Cordialement

— Collège, plus de 30 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.