Chers collègues,
Si je m’adresse à vous aujourd’hui, ce n’est pas portant ma casquette de référente ULIS, sous laquelle nous avons l’habitude, pour certains d’échanger, mais sous celle de simple collègue enseignante. Je me tourne vers vous tous, car j’ai besoin de vous, de votre aide, de votre soutien.
Il est vrai que les élèves que nous accueillons dans le dispositif sont particuliers, leurs difficultés sont liés à une déficience intellectuelle identifiée par un bilan réalisé par un psychologue scolaire. Ils ont des besoins particuliers que nous soutenons en déployant tout un arsenal d’outils pédagogiques. Je ne vais pas prendre le temps ici de les énumérer, car cela n’est pas l’objet de ce message.
À la rentrée, nous avons accueilli Ewen Jasseron, élève de 5e 2. C’est un élève tellement angoissé de nature qu’il a beaucoup de difficultés à gérer ses émotions et vit les apprentissages scolaires comme des menaces. Ses angoisses ont des répercussion dans chaque domaine de sa vie ( scolaire, familiale, amicale….). Il se trouve qu’Ewen n’a pas de déficience intellectuelle et a été orienté dans le dispositif ULIS faute de place dans un dispositif ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique). Ces établissements accueillent des jeunes qui démontrent une inaptitude à adopter un comportement correspondant aux règles sociales communes. Ils éprouvent des troubles psychologiques qui les gênent dans le suivi d’une scolarité normale et leur font avoir des attitudes inadaptées en collectivité.
Depuis le début de l’année, nous subissons les affres émotionnels et comportementaux d‘Ewen. Dans ce ‘Nous’, j’englobe les élèves, l’AESH ,l’enseignante et la vie scolaire. Nous avons déployé tout un éventail de solutions pour gérer ce jeune qui présente des troubles du comportement qui perturbent et mettent à mal ceux qui l’entourent. Aucune n’a été efficace.
Et pendant que je ramais sur ma petite barque à chercher, proposer, passer du temps avec la famille, la psycholoque, l’EMR ( équipe mobile ressource) avec l’AESH Stéphanie Haas qui contient comme elle peut les agissements de ce jeune, à écrire sans relâche des rapports de témoignages qui tombaient dans les oubliettes de la messagerie Pronote adressés à la direction, ce dernier s’installait confortablement derrière le masque de l’impunité sous couvert d’un trouble diagnostiqué TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité).
Les agissements en questions ( cf les comptes rendu) montrent toujours le même scénario d’action du jeune. On peut résumer en quelques mots le comportement d’Ewen : tyrannique, harceleur, irrévérencieux.
Malgré mes « appels au secours » réitérés, je n’ai reçu pour simple réponse qu’« Ewen n’était qu’un simple élève et qu’il ne fallait pas oublier cela ».
Après une année scolaire à supporter ces comportements, je me sens épuisée moralement, je ne trouve plus au fond de moi la force de faire face aux assauts de ce jeune. Jeudi soir, le 8 juin, j’ai dit ma fatigue , on m’a dit de gérer seule…
La perspective de recevoir cet élève lundi matin m’effraie, car je ne me sens pas capable de faire preuve du respect qui m’incombe en tant qu’enseignante face à cet élève.
Ce même jour, j’ai écrit quatre rapports d’incidents de faits qui me semblent répréhensibles, car l’élève agit de manière insidieuse. J’espère qu’au moins l’élève sera punit, même s’il me semble qu’un conseil de discipline devrait être convoqué.
Il n’en demeure pas moins qu’Ewen sera en 4e à la rentrée prochaine à Gilles Gahinet.
Sachez que dans les murs de l’établissement, des collègues se font insulter et maltraiter par un élève que l’on protège.
Nous sommes enseignante et AESH, nous ne sommes pas surveillantes de prison, ni même psychologues, nous souhaitons pouvoir venir travailler sans l’angoisse d’être rabaissées et dénigrées par un jeune de 13 ans.
— Collège, 10 ans d’ancienneté