L’attentat contre Samuel Paty n’a servi à rien

Je viens d’arriver dans un nouveau collège de centre-ville. J’ai un élève en 4e que les autres de la classe n’aiment visiblement pas du tout, et je comprends rapidement pourquoi : il est pénible, méchant, médisant et ne se remet jamais en question. Seulement… il est handicapé et bénéficie d’une AESH. Donc surtout, il ne faut pas le critiquer (oui, c’est une réalité). Il a pourtant porté plainte contre l’établissement l’année dernière pour non-assistance vis-à-vis d’un harcèlement imaginaire qu’il aurait subi (les collègues conviennent que c’est imaginaire). L’AESH elle-même en a marre de lui et préférerait s’occuper d’un autre élève de la classe, qui lui est respectueux. Bref.

Premier cours de l’année : il énerve tout le monde, les élèves se plaignent à juste titre. Je l’isole et il me dit : « Vous allez avoir affaire à la MDPH, vous allez voir ! » Les élèves sont choqués comme moi de cette menace. J’essaie de ne pas m’énerver. J’appelle la mère à la fin du cours, qui me dit qu’elle va lui faire comprendre qu’il faut s’excuser. Spoiler : il l’a fait, mais à contrecœur.

Deuxième épisode : je vais chercher les élèves dans la cour et je vois cet élève entouré de beaucoup d’élèves qui semblent unis contre lui. Je ne dis rien, les emmène en cours, et les deux délégués (de gentils garçons) me disent qu’il a menacé de « venir au collège pour tous les tuer avec des AK-47 ». Il a même menacé d’« égorger » une camarade en mimant le geste du couteau. Je fais rester les trois élèves à la fin de l’heure, note ce qu’ils me disent et vais voir le proviseur directement. Il me reçoit immédiatement, semble attentif, prend des notes, puis me dit qu’il « va s’en occuper » sans aucune précision.

Le soir même, je reçois une demande pour un « rendez-vous en urgence » de la mère de cet élève, avec la CPE et je ne sais plus qui, comme si c’était à nous de nous justifier.

Le lendemain matin, je vois devant ma salle à 8 h, durant mon cours, une jeune fille qui ressemble, vu son âge, à une surveillante du lycée, car nous sommes une cité scolaire collège-lycée. Eh non… c’est la grande sœur de l’élève qui vient me demander si j’ai bien reçu la demande de rendez-vous et surtout… me reprocher d’avoir fait un rapport, que ce serait le rôle d’une surveillante ou d’une CPE. Je la rembarre rapidement, puis j’écris un SMS à une surveillante pour signaler cela.

J’attends un jour, puis deux… Toujours aucune nouvelle.

En allant au bureau des surveillants, j’apprends que la CPE a reçu la sœur de l’élève et l’a « réprimandée ».

Le mercredi après-midi, je vais voir le proviseur qui est occupé. Je lui dis : « Je suis disponible au téléphone toute l’après-midi. Pouvez-vous m’appeler 5 minutes seulement ? » Spoiler : il ne m’a jamais appelé.

Ce n’est qu’en m’étant mis en arrêt maladie qu’il a daigné m’envoyer un mail laconique m’informant qu’il avait reçu la famille, mais que comme « plusieurs élèves avaient fait des menaces », eh bien il n’y aurait rien (enfin, même cela il ne l’a pas écrit précisément, mais je l’ai appris après).

Ah, et le plus beau : tout cela s’est déroulé la veille de l’hommage à Samuel Paty.

— Collège, 10 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.