Les dangers des petits chefs

Premier poste dans un collège à la campagne sur un remplacement longue durée. On m’attribue d’office 6 classes sur cinq niveaux différents (donc cinq programmes différents à traiter en même temps, et  une classe à examen avec le brevet des collèges).

Parmi ces classes, une est particulièrement dissipée et j’ai la naïveté de penser que c’est une bonne idée d’en discuter avec les collègues. Suite à une altercation avec une élève violente que j’ai exclue de mon cours, je suis convoqué (pas l’élève, moi) par le chef d’établissement (CDE) qui me sort un grand discours sur l’autorité des enseignants et impute à ma manière de m’habiller et à ma manière d’être mon incapacité à tenir une classe (sur la base, donc, de ce seul incident).

Cette classe pose des problèmes à toute l’équipe enseignante (comme le montrent les cahiers de texte électroniques…), mais quand j’essaie d’en parler, tous les collègues me disent que c’est moi qui ne sais pas m’y prendre.
Les convocations par le CDE s’enchaînent, toutes les deux semaines : il commente tantôt mes vêtements, tantôt mon caractère, s’interroge sur le bien-fondé de ma titularisation, me fait de grands sermons sur son autorité naturelle à lui, sur sa brillante carrière passée et sur comment il était le meilleur enseignant du monde et comment il pouvait faire cours la porte ouverte avec des élèves qui ne mouftaient pas.
Je viens au travail avec la boule au ventre, je me vois chaque matin planter ma voiture dans un arbre.

J’alerte le rectorat sur mon état de santé : ils me dirigent vers l’infirmière de prévention et l’assistante sociale. Qui me disent qu’il ne faut pas se sentir concerné par ces propos, qu’il ne faut pas s’investir autant dans son travail. L’IPR me convoque et reprend le discours du CDE sans chercher à avoir ma version, elle me place en tutorat.

Le lendemain je fais une tentative de suicide, je serai arrêté 6 mois pour dépression.
Le rectorat n’a jamais reconnu sa responsabilité dans ma maladie.

— Collège, 4 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.