Un métier discrédité

Je suis officiellement à la retraite depuis la rentrée de septembre 2015… En fait, cela fait plus de quatre ans, puisque j’ai passé ma dernière année d’enseignement en congé longue maladie.

Les dix dernières années de ma carrière furent un véritable calvaire, car je ne reconnaissais plus le métier qui m’avait procuré tant de satisfactions, de joies et de bonheur. J’ai assisté au travail de démolition de notre système éducatif ; j’ai vu notre métier se dégrader avec l’apparition de méthodes pédagogiques fantaisistes sous l’impulsion de quelques illuminés dangereux. Je suis entré en rébellion, car je refusais de me soumettre au laxisme et à l’indifférence de ma hiérarchie.

J’ai dénoncé à travers de nombreux courriers auprès des instances rectorales les dysfonctionnements que je constatais dans l’exercice de ma profession. Des chefs d’établissements qui ne sont, pour la grande majorité, motivés que par leur progression de carrière. C’est au rectorat que j’ai appris que les chefs d’établissement étaient évalués sur l’absence d’incident dans leur établissement… « surtout pas de vague ».

Le métier d’enseignant est aujourd’hui totalement discrédité et déconsidéré par les élèves, les parents d’élèves et ce sont les profs qui en supportent les conséquences. Je fais partie de ces profs qui ont dû subir l’humiliation d’une convocation au commissariat de police pour une plainte déposée par les parents d’un élève. Il a fallu que j’atteigne l’âge de soixante-deux ans pour subir un tel affront et apprendre que c’est mon chef d’établissement qui avait suggéré aux parents de porter plainte… Je ne pouvais en supporter davantage.

Jamais, je n’aurais imaginé finir ma carrière de la sorte et il m’a fallu du temps pour me reconstruire.

La retraite pour moi a sonné comme une délivrance et, depuis, je suis très heureux, car je continue en dehors du « système » et bénévolement à œuvrer dans le milieu sportif. J’étais officiellement prof d’EPS mais je ne me reconnais plus du tout dans cette profession. Quelle tristesse de se dire « je ne suis plus du tout fait pour ce métier-là » et je plains sincèrement les quelques amis qui sont restés sur le front.

— Retraité de l’éducation nationale, 42 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.