Écœurée dès mon début de carrière

Mon histoire n’est pas celle d’une enseignante violentée verbalement ou physiquement par un élève. Le dégoût de ce métier peut également venir d’ailleurs. Je suis actuellement professeure des écoles T3.

J’ai passé ma première année en tant que stagiaire à mi-temps au sein d’une école maternelle. Tout se passait très bien jusqu’à ce que la PEMF qui me suivait, décide de partager sa satisfaction concernant mon travail à la directrice de l’école. Dès lors, la directrice s’est mise à m’écarter petit à petit de la vie de l’école. J’en ai discuté avec la collègue qui me complétait et qui l’avait également remarqué. Elle m’a tout simplement dit que c’était de la jalousie. J’ai donc passé une fin d’année très mal dans ma peau avec une collègue qui avait vraisemblablement, une dent contre moi.

L’année suivante, j’ai eu un poste en tant que titulaire dans une école de campagne. J’ai du affronter le regard des collègues qui ne comprenaient pas qu’une T1 puisse obtenir un poste au premier mouvement. J’ai du me justifier. Les collègues du RPI ont décidé de me donner la classe de cycle 3 (CM) et de me laisser seule dans l’école qui ne pouvait accueillir qu’une classe. Première rentrée seule en tant que directrice dans une école à classe unique. Je suis livrée à moi-même. Je dois gérer la direction et faire face à des parents qui s’inquiètent d’avoir une enseignante débutante pour leur enfant qui doit passer prochainement en 6ème. Oui car le maire de la commune a décidé d’annoncer que j’étais débutante dès le premier jour de classe, afin d’inquiéter le plus de parents. J’ai organisé seule la réunion de rentrée pendant laquelle, les parents me sont tombés dessus afin de savoir si j’allais m’investir pour leurs enfants, si moi, fille de la ville, comprendrais les attentes de personnes de la campagne comme eux. Je n’ai pas réussi à tous les rassurer, certains ont décidé d’appeler l’inspection.

Etant T1, je dois être suivie régulièrement par un CPC (une fois par trimestre). On m’octroie la pire de la circonscription, celle qui pousse à la dépression, à la démission. Elle décide donc de venir me voir tous les mois… Un cauchemar. Je me sens harcelée. Je dois rédiger des rapports après chaque visite. Mon travail n’est jamais satisfaisant à son goût. Elle me met une pression d’enfer.

D’un autre côté, j’essaie d’ouvrir un maximum la classe aux parents en proposant des restitutions des travaux d’élèves à chaque fin de période. Aucun remerciement, rien. Toujours de la méprise. En fin d’année scolaire, j’apprends que je suis enceinte. Quel bonheur : je vais pouvoir respirer un peu. La CPC m’indique par la même occasion, qu’étant inspectable en T2, elle ne se faisait aucun souci pour moi. C’est à n’y rien comprendre.

Deuxième année dans cette école de campagne, enceinte.

Habitant loin de l’école, j’ai très vite été arrêtée. Une collègue vient me remplacer. Comprenant que je vais devoir m’absentée un long moment, elle me demande si elle peut me remplacer tout au long de cette période. J’accepte. Dans le cadre d’une continuité pédagogique, c’est toujours mieux. Et puis, elle habitait à côté de l’école. Elle m’a sollicitée régulièrement pendant les 2 mois de congés maladie : je me suis toujours rendue disponible pour elle, par mail, téléphone et me suis même rendue à l’école sachant que je n’étais pas autorisée à parcourir de longs trajets. Bref, je voulais l’aider au maximum.

En parallèle, j’ai précisé à mon IEN (Inspecteur de l’Éducation nationale) dès le mois de septembre, pour un retour en avril, qu’à l’issue de mon congé maternité, je souhaitais reprendre le travail à 80%. On me le refuse, prétextant que la quotité n’est pas compatible avec ma fonction de chargée d’école. Je suis convoquée, à 9 mois de grossesse, à la DSDEN (Direction des services départementaux de l’Éducation nationale), située à plus de 100km de chez moi, afin d’exposer les arguments, pour lesquels, l’administration devait m’accorder ou non un temps partiel de droit. Le monde à l’envers !

Quelques jours avant la fin de mon congé maternité, je n’ai toujours pas de réponse concernant ce temps partiel. Le chef du personnel me contacte en m’indiquant que la DASEN (Direction académique des services de l’Éducation nationale) ne m’accorde le mi-temps que si j’accepte un échange de services avec la collègue qui me remplace (brigade). J’accepte mais la collègue refuse car elle ne veut pas perdre son salaire “confortable”. Suite à son refus, mon inspecteur est obligé d’intervenir afin que l’on m’accorde ce 80%. Je m’arrange pour que la collègue qui m’a remplacée jusque là, puisse compléter mon service, toujours dans un souci de continuité pédagogique. La dite collègue me propose alors que l’on échange nos services à la prochaine rentrée. Je suis surprise mais j’accepte car je pense qu’avec un enfant en bas-âge, m’éloigner de la direction ne peut m’être que bénéfique. Or, entre temps, j’apprends l’obtention de mon INEAT (Autorisation d’entrée dans un département). J’envoie donc un courrier à l’inspection leur indiquant que j’annulais ma demande d’échange de services. La politique étant INEAT acceptée, EXEAT (Autorisation de sortie de département) accordé.

Prise par le tourbillon de mon retour en classe, un bébé de 4 mois, et fragilisée par un syndrome post-partum; je ne pense pas à envoyer un SMS à la collègue pour l’avertir et me dis que je l’en informerai de vive voix. Mais la secrétaire de circonscription m’a devancée, indiquant le contenu de mon courrier par téléphone à la collègue, avant même que je n’ai eu le temps de la voir. Lorsque je retrouve la collègue, elle est en furie, me disant que je lui ai manqué de respect. Je m’excuse mais elle ne veut rien entendre. Elle appelle l’inspecteur afin de se plaindre. L’inspecteur me contacte rapidement et m’annonce sa visite pour le dernier lundi de l’année scolaire, suite à des faits signalés par des collègues. Les bras m’en tombent.

Il arrive avec deux feuilles remplies de propos rapportés. J’aurais dit que les enfants était nuls, qu’ils ne passeraient jamais en sixième, que je stigmatisais une élève, que j’étais médisante sur le travail des collègues. Que j’ai voulu travaillé pendant mon congé maladie. Bref, un amas de mensonges sur une période d’un mois. Sachant que je ne croise la collègue qui me remplace uniquement le mercredi, lorsqu’elle me décharge. Et l’inspecteur, au lieu de vérifier la véracité des propos, ne veut rien entendre et me donne des conseils pour que cela ne se reproduise plus.

Je suis écœurée : il n’ a même pas fait l’effort de regarder les dates de congé et de constater que la collègue mentait. D’en parler avec les collègues du RPI (Regroupement pédagogique intercommunal). Pour lui, j’étais la seule fautive.

Donc bilan : deux années sur trois qui se sont terminées par un réel traumatisme pour moi.

On nous demande d’être bienveillants avec les enfants : ce point n’a jamais été mis en avant dans mon cas. On jugeait la personne, et non l’enseignante que je suis.

Oui, l’inspecteur m’a bien signifié qu’il n’avait rien à redire concernant mon travail !

Je suis révoltée contre le manque de soutien de la hiérarchie, les parents qui nous méprisent et les collègues aussi. Heureusement que les enfants étaient là, ils m’ont permis de tenir le coup.

Mais aujourd’hui, malgré une mutation, je ne souhaite plus exercer cette fonction qui m’a si vite abimée. Je n’accepte pas que l’on remette en cause mon intégrité morale, d’être obligée de me justifier sans cesse. Je suis trop sensible pour ce métier : je travaille avec tout ce que je suis et je pense qu’aujourd’hui, pour exercer ce métier, il faut être un robot, blindé. Je suis brisée, et la seule chose que je souhaite aujourd’hui, c’est faire autre chose, pouvoir m’occuper de mon enfant sereinement. Car oui, être prof ne permet pas de s’occuper correctement de ses enfants car il faut travailler, le soir, les week-end et les vacances !

Je laisse donc ma place sans aucun regret…

— Primaire, 3 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.