Celle qui tenait la grille,
la grille de son école,
Son école qu’elle ne voulait pas quitter !
Quitter, elle ne l’a jamais fait.
Tout faire pour enseigner.
Préparer un concours.
Le réussir à moitié,
attendre sur une liste.
Être enfin appelée
sur un poste à l’année
sans être formée.
Peu importe la petite fille touche son rêve.
École difficile mais énergie décuplée.
Un an de terrain et voilà la formation tant espérée.
Déception de ce qui est proposé.
Pas assez de concret, l’essentiel a beaucoup manqué.
Poste définitif,
Rêve devenu enfin réalité.
La petite fille va bientôt déchanter.
REP, élèves en difficulté, violents mais surtout souffrants.
Les illusions commencent à tomber.
L’impression de faire classe :
en tirant de toutes ses forces pour les faire avancer,
en lançant des bouées que certains ne pourront jamais attraper,
en écoutant des récits de vie parfois déjà brisés,
en ne voyant pas toujours ce qui aurait dû nous alerter,
en se confrontant à la violence chaque journée,
en enseignant un peu, en sanctionnant parfois, en éduquant surtout.
La petite fille est fatiguée.
Un jour, ce lieu laïquement sacré est saccagé.
Ce n’est que de la peinture mais de la peinture d’injures.
Les gendarmes se sont déplacés,
les élèves sont en train de pleurer,
les enseignants sont là pour les rassurer,
personne par contre, pour les écouter.
Alors c’est un tournant, l’heure est au changement.
Changer d’école pour recommencer à espérer.
Mais les désillusions vont continuer.
Climat de classe plus apaisé,
Impression d’enseigner de nouveau et de pouvoir aider.
Mais l’impression est de courte durée.
Les moyens sont toujours insuffisants.
Les collègues pas toujours bienveillants.
Les parents souvent condescendants, parfois oppressants.
Le soutien toujours absent.
Le travail jamais considéré voire ignoré complètement.
Et évidemment les sempiternels jugements.
Des réformes tous les quatre matins,
Du rythme scolaire au pacte d’argent.
On ne consulte pas, on n’entend pas, on ne voit pas.
Parle si tu l’oses !
Toutes les illusions ont disparu,
il n’y a plus que la réalité crue.
17 ans de métier, à 10 jours de la rentrée,
l’énergie s’est vidée, l’envie s’est volatilisée, la motivation s’est éclipsée.
La foi en l’école de la République celle de l’égalité, celle de tous les possibles, celle de l’espoir n’est plus.
Elle a disparu comme la petite fille en moi qui y avait cru.
— Primaire, 17 ans d’ancienneté