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Accusé à tort d’agressions sexuelles sur des élèves

Je suis titulaire remplaçant.

Lors d’une mission de remplacement d’une semaine en classe de CE2, je me fais agresser par un parent à la sortie, le troisième jour. Il prétend que j’ai touché les fesses de sa fille. Il va voir le directeur… qui s’avère (je l’ai su par la suite) être son voisin de palier. Le directeur refuse de prendre mon rapport d’incident, ensuite il décide qu’il va “superviser” sa propre enquête dès le lendemain. Le lendemain, mal en point, je vais tout de même finir ma mission. Le parent en question ramène sa fille comme si de rien n’était.

Puis après une demie heure de cours le directeur décide de venir prendre les filles de la classe toutes ensembles, puis ensuite les garçons… en groupe entiers! Les élèves reviennent en classe, le directeur ne m’adresse pas la parole… les filles pour la plupart ricanent en me regardant…

Ma mission se termine, je rentre chez moi en week-end, toujours mal en point… Mardi deux OPJ viennent à mon domicile me remettre une convocation… le lendemain je suis en garde à vue… finalement accusé d’avoir “agressé sexuellement” les 13 filles de la classe, en leur faisant les bisous, leur touchant les seins, dansant de manière sensuelle devant le tableau !!!… les garçons, pris dans un autre groupe disent n’avoir rien vu de tout ça. Je ne comprends plus rien. Le monde s’effondre. Je suis en garde à vue… la réalité me semble lointaine. Le garçons quant à eux rapportent n’avoir pas vu ce que disent les filles.

Puis j’ai droit à la perquisition de mon domicile, la saisie de mon matériel informatique, l’audition de la plupart de mes anciens collègues, de mes proches et une convocation au tribunal correctionnel… jugement qui de reports en reports se fera attendre plus de deux ans… deux ans d’enfer, deux ans d’envies suicidaires, deux ans d’insomnies, deux ans de soutien inconditionnel de mon entourage qui ne me consolait que peu.

Le dossier fait explicitement ressortir la manipulation des enfants par le directeur adulte référent pour eux. Les nombreuses contradictions n’ont pas empêché la procédure… le bon sens semble ne plus avoir sa place. Un bon sens que le procureur et les juges n’avaient heureusement pas perdu. Le procureur demande ma relaxe, la présidente est désolée de constater ce que j’ai subi. Toute une machine à me broyer s’était mise en marche. Je suis relaxé. Aucun plaignant ne s’est présenté à l’audience.

Je suis innocenté… et pourtant… Je pensais être soulagé, je l’ai été… un moment.
Je pensais me relever, je ne me relève pas. Qui peut s’imaginer qu’on se remet d’une telle épreuve ?

Un emballement, du personnel peu scrupuleux, une hiérarchie peu regardante quant aux enquêtes administratives, voilà qui peut vous conduire à la mort… oui, la mort… combien n’en sont pas revenus ? En parle-t-on ? Non, il ne faudrait pas froisser les lobbys bien pensants.

La suite ? Rien. J’écris au rectorat, pas de réponse. Le silence de l’administration puis ensuite un petit mot de l’inspection : vous devez reprendre le travail.

Ma souffrance ? Il faudrait l’effacer comme un coup de craie sur une ardoise.

Ma réputation ? “Vous avez été “innocenté ! Circulez, il n’y a rien à voir !”.

— Primaire, 20 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage n’autorise pas la reprise de ce témoignage par la presse.