Agressés par une fillette de 3 ans

Toute fraîchement scolarisée, cette petite fille avait déjà été signalée par la crèche l’année précédente. Mais les parents, comme il est souvent le cas pour des enfants en bas âge, étaient dans le déni et pensaient que ça allait s’arranger avec le temps.
Tout au contraire, la petite fille a agravé son comportement et les morsures et coups accompagnés d’actions violentes comme lancer des objets en l’air en direction de quelqu’un, pincer, taper, tirer des cheveux ou enfoncer profondément un ongle ont été constantes en classe. Je ne peux plus faire un coin rassemblement, car la fillette passe trop rapidement de l’un à l’autre en diversifiant ses agressions.

Et quand je veux la canaliser la prenant par les mains, alors c’est encore pire car elle se met à crier, à se débattre et, évidement, à m’agresser autant qu’elle peut. Lorsque j’ai craqué, suite à des morsures répétés et ma main blessée par son ongle trop souvent enfoncé, la seule aide proposée a été de me faire prendre un arrêt pour accident de travail. Et c’est ce que j’ai fait, car dans mon état d’épuisement nerveux, je ne me maîtrisais plus vraiment.
Mais je m’insurge. En Petite-Section, lorsque tout le monde sait combien c’est dur pour les parents de faire le pas pour demander de l’aide à la MDPH, outre les longs délais avant que le dossier soit pris en compte et une aide humaine arrive en classe, pourquoi l’Éducation nationale abandonne les enfants, les professeurs et les ATSEM ?

Pourquoi n’y a-t-il pas de mesures palliatives, le temps que le dossier aboutisse ?

Pourquoi l’Administration ferme les yeux sous prétexte que c’est la loi ?

La loi dit aussi que TOUS les élèves ont droit à l’éducation. Mais dans un double niveau, avec deux enfants à besoins et un autre pour lequel une IP a été faite, sans compter les autres cas de figure, pas tous les élèves ont droit à l’éducation. Parce que pendant que la maîtresse appelle des parents pour les prévenir de la crise de leur enfant, ou qu’elle l’empêche d’agresser les autres, ou qu’elle essaye de le déplacer d’un espace à un autre, les élèves ne font RIEN, sinon observer la scène avec sidération.

Mes élèves m’ont déjà vu pleurer, crier, me défendre face à une élève de 3 ans!!! C’est inouï.

L’Éducation nationale regarde ailleurs. Il a fallu que ce soit la personne chargée de l’éducation de la mairie où j’exerce qui envoie une lettre d’alarme à l’Inspectrice de mon département. Ce responsable, au moins, s’inquiète des conditions de travail de ses employés, que ce soient les ATSEM ou le personnel d’animation. Car tous les adultes en contact avec des enfants à besoins craquent.

Les raisons ?

Pas assez d’AESH et avec des heures et une formation insuffisantes.

Pas de personnel médical rattaché à l’Éducation nationale pour évaluer ces enfants et proposer des mesures individualisées.

Pas de cadre serein pour les enfants à besoins qui sont souvent inadaptés dans une classe régulière.

Des classes surchargées avec trop d’élèves difficiles à gérer.

Trop de travail administratif en rapport avec les enfants à besoin : remplir les dossiers, faire de nombreux rendez-vous avec les parents, les psychologues, l’équipe éducative,… Les sujets ne sont plus du niveau de l’éducation mais de la santé de l’enfant. Trop d’ingérences de l’extérieur et pas assez d’autonomie à l’intérieur.

La souffrance du personnel, des élèves et surtout du corps enseignant est intense. Le sentiment de rupture cognitive et émotionnelle devient obsessif, car tout perd son sens : le sens de la profession, du rapport à l’enfant, de la considération à sa hiérarchie,… Une infinité de détails qui prennent le dessus sur l’essentiel : la pédagogie.

Il est trop évident que pour faire des économies, c’est l’éducation qui paye le prix fort. Ça se paye en vies. La vie de l’enfant qui ne peut pas apprendre dans des conditions calmes et rassurantes, mais aussi de l’enfant qui a besoin d’une attention particulière qu’il ne reçoit pas ; de l’enseignant qui est censé s’occuper de tout, mais pour qui enseigner devient secondaire, car en priorité, il faut assurer le bien-être physique et émotionnel de l’enfant ; de l’ATSEM qui se sent forcée de faire un travail qui ne lui correspond pas ; de l’AESH qui est malmené et mal encadré…

Cette obsession pour faire des économies sur le dos de l’éducation, quand des dépenses pourraient être évitées ailleurs, ça fait très, très mal au cœur.

Notre administration sacrifie les enfants de ses propres citoyens, ne forme pas les futurs citoyens qui devraient être la fierté de notre pays et mène à l’échafaud les adultes sensés s’en occuper.

Jamais je n’aurais cru que cela pouvait exister.

Et après, on se permet de faire la morale ailleurs. C’est d’une telle cruauté que j’en suis brisée.

— Primaire, 20 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage n’autorise pas la reprise de ce témoignage par la presse.