Enseignant en Primaire

Je suis professeure contractuelle depuis presque 3 ans.

J’ai presque toujours eu des classes assez difficiles, mais je ne m’en suis jamais plainte, ni auprès de l’Inspection, ni auprès de l’académie.

Mais aujourd’hui, j’en veux beaucoup à l’Éducation nationale (la hiérarchie) qui me tourne littéralement le dos quand j’ai vraiment besoin d’elle.

La dernière mission de remplacement que j’ai effectuée était en classe ULIS TSA en tant qu’enseignante coordinatrice. Avant de débuter ma mission, j’ai tenté de me renseigner pour savoir un peu à quels types d’élèves je serais confrontée. Mais aucune mention d’autisme lourd, de violences, de fuites ou d’élèves non verbaux ne m’a été faite. Ce fut donc une surprise pour moi, je dirais même que chaque jour il y avait une information surprise : un élève très violent, deux élèves qui s’enfuient à la moindre occasion, trois élèves qui n’ont pas du tout le langage, un élève qui s’auto-mutile. Enfin bref, des choses qui me dépassent, car je n’ai pas été formée pour gérer des élèves malheureusement psychologiquement malades. J’ai initialement été recrutée pour être professeure des écoles et non soignante ou infirmière.

J’ai tout de même honoré ma mission jusqu’au bout, qui était la durée d’une seule période, malgré les difficultés et mon manque criant de formation sur le sujet TSA. Je savais que la professeure titulaire allait prolonger son arrêt de travail, j’ai donc anticipé et fait part de mes difficultés à l’académie afin qu’ils ne me renouvellent pas le remplacement dans cette classe. Ils m’ont répondu que je n’avais pas le choix et que “ça faisait partie de mon contrat”. J’ai pourtant apporté des preuves factuelles en plus de mon témoignage, puisque j’ai pris en photo les coups et griffures que j’ai reçu de la part d’un élève violent. Ceci ne les a en rien dissuadé, bien au contraire, ils m’ont prolongé automatiquement le remplacement sans même me demander mon avis.

Les seules solutions qui s’offraient à moi face à ce manque d’humanisme : appeler le syndicat et me mettre en arrêt de travail. Ce que j’ai fait. En ce qui concerne le syndicat, ils ont obtenu la même réponse que moi. Et pour l’arrêt de travail, ce n’est pas du tout la meilleure solution puisque j’ai l’impression de perdre mon temps, en d’autres mots, je pourrais être bien plus utile dans une autre classe actuellement. Mais l’Éducation nationale nous pousse littéralement dans nos retranchements.

Ce manque de considération et de bienveillance à l’égard des professeurs et des directeurs est choquant, voire révoltant. Nous sommes considérés comme des “choses” qui n’avons pas à nous plaindre, qui devons obéir au doigt et à l’œil, qui devons juste “boucher les trous”. En tant que professeure contractuelle, j’ai vraiment l’impression d’être face à une escroquerie en bande organisée.

Fait important dont je n’ai pas parlé : le manque de moyens pour les élèves en situation de handicap (ici TSA). Ce fut encore plus évident pour moi en étant en classe ULIS ! Matériel non adapté, locaux non adaptés (donc forcément beaucoup moins de sécurité, personnel non formé, etc. Et j’en passe !
L’inclusion à tout prix en école publique est vraiment dramatique

En bref, je pointe dans cette lettre les failles de cette entité qu’est l’Éducation nationale (ou de ce qu’il en reste). Cette Éducation nationale qui finalement est au bord du gouffre et qu’on sent épuisée, étouffée par toutes les missions qu’elle doit être capable d’accomplir. Si seulement elle savait mettre ses priorités dans le bon ordre…. peut-être qu’il n’y aurait pas autant de démissions, peut-être qu’il n’y aurait pas autant d’enseignants en arrêt maladie, peut-être qu’il y aurait bien plus de candidats aux concours de professeurs, peut-être que le niveau scolaire de nos élèves serait un des meilleurs en Europe. Si seulement.

Pour ma part, je ne me vois absolument pas être professeure pour l’Éducation nationale très longtemps. Professeure : oui. Pour l’Éducation nationale : non. Je souhaite préserver ma santé mentale et enseigner réellement (et non pas faire office de soignante).

Je quitte le paquebot avant qu’il ne touche le fond de l’océan…

— Primaire, 3 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage n’autorise pas la reprise de ce témoignage par la presse.