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Beaucoup de temps et d’énergie pour dépasser les problèmes

Titulaire d’un poste en lycée professionnel depuis 1973 dans la région parisienne, que l’on pourrait qualifier de… calme (déjà maître auxiliaire à la sortie de mes études en 1970 en Bretagne), j’ai débuté ma carrière tout plein d’enthousiasme, puis avec des hauts et des bas comme tout le monde, je pense, mais j’ai bien senti que dans les années quatre-vingt, cela commençait à se dégrader, que les consignes pédagogiques changeaient progressivement.

Assez vite, je me suis rendu compte que l’on ne voulait plus (déjà, dans les banlieues difficiles de Paris on ne pouvait plus obtenir de bons résultats…). Alors, pour ne blesser personne, les exigences « inspectoriales » se sont mises à… dégringoler.
Tout le monde était content (élèves et parents) le BAC était délivré (mais avec beaucoup de… complaisance).

Surtout pas de vague : dans mon lycée réputé, depuis de nombreuses années, cela « se passait bien ». Le mot d’ordre était : « Aucune remarque tant soit peu négative sur les bulletins ! »
Un élève posait vraiment de gros problèmes : Il était exclu et… quelquefois on en voyait arriver deux ou trois autres avec les mêmes problèmes, venant d’un établissement éloigné…

Tout cela mine moralement et physiquement. Comment cela s’est terminé ?
Dépressions, arrêts maladie, qui m’ont accompagné les dernières années de ma carrière. Je crois que j’ai évité le pire !

Maintenant, en retraite, je n’arrête pas de rêver ou cauchemarder de cette fin mais, maintenant, après plus de dix ans, je profite enfin de mon temps.

Je plains sincèrement les collègues qui sont restés et les jeunes qui rentrent.

 

PS : Quelqu’un de ma famille rêvait d’enseigner en primaire. Cette personne a préparé les concours en y mettant « toutes ses tripes ». Elle est « dedans », mais rencontre de grosses difficultés comme nombre de ses collègues. Pour elles, il y a dans les classes de plus en plus de jeunes handicapé(es) (pour plein de raisons), dont les parents ne veulent pas admettre les faiblesses de leurs enfants et en veulent beaucoup aux enseignants (es) qui n’arrivent pas à s’en sortir. Certaines envisagent donc SÉRIEUSEMENT de quitter ce métier…
Si j’étais optimiste, je dirais « Cela finira bien par se calmer ! ». En réalité, je pense que notre société, la famille française se transforment énormément et qu’il faudra encore beaucoup d’énergie, de temps, d’argent, de volonté de la part de tout le monde pour dépasser ces difficultés… COURAGE À TOUS !

 

—  Retraité de l’Education nationale, 35 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.