De l’enthousiasme au désenchantement

À l’école
Ce sont des collègues épuisés qui m’entourent,
Des collègues en colère, en pleurs parfois, des collègues malades, des collègues qui essaient de tenir,
De faire au mieux.
Des directrices stressées et submergées par leurs fonctions
Qui contrôlent sans rien maîtriser
En vain.

Des heures de travail de préparation le soir et le week-end pour
Des élèves insolents – violents – irrespectueux.
Des élèves avec des troubles du comportement, du développement et des troubles psychiques
Des élèves qui ont besoin d’aide.

Qui sont les profs heureux ? Où sont les profs heureux ?

Les énergies négatives sont à l’école, partout.
Elles m’envahissent, contre ma propre volonté.
Le stress déborde et me noie. Les rires des enfants ne sont plus assez forts pour m’apaiser et diminuer ma colère.

L’école est malade. L’école est contraignante pour les profs malgré le statut et l’image qu’on leur donne.
C’est la course aux points pour avoir une école à proximité de chez soi.
C’est le parcours du combattant pour obtenir une mutation.
Si tu as moins de 5 ans d’expérience, ton déménagement ne sera pas pris en compte financièrement.
Ta demande de disponibilité peut être refusée. Tu dois voir un médecin agréé par l’Éducation nationale. Tu n’es pas libre, malgré ce que l’on essaie de te faire croire.
Puise ton énergie, encore, encore, encore. Car tes journées de travail ne sont pas assez fatigantes.

Je déplore le dysfonctionnement d’un système qui pourtant me semble essentiel.

En faisant le projet d’être professeure des écoles, je rêvais de transmettre avec passion.
D’accompagner des lucioles prêtes à éclore, de travailler dans la confiance et l’insouciance de l’enfance.
De prendre racine, enfin.

Aujourd’hui, je suis épuisée par la gestion de mes deux classes, de mes élèves, de mes collègues, des parents. C’est une gestion de crise quotidienne.
Et les papiers – et les documents – et les autorisations – et les réunions
Et les parents
Et les inspecteurs
Et les visites
Et les sorties !

Je suis une chef d’orchestre qui perd pied dans la plus grande des cacophonies. Toute mon énergie est donnée à l’école ainsi que tous mes sourires. Je n’en ai plus pour moi ni pour mes proches. Au fond tout est éteint, la lumière n’est plus.

Où se trouve le sens de tout ça ?
Le plaisir n’y est plus. Je suis malade, comme l’école.

J’ai tout donné pour l’école
Avec énergie et confiance
Pour tout perdre
Mon énergie
Mon bonheur
Mon sourire
Ma force
Ma confiance
Mon estime

Deux ans seulement que je suis titulaire.
Et pourtant, déjà 4 ministres différents. Peut-on dès lors, parler de stabilité ?
J’ai le sentiment d’être un pion que l’on déplace, d’avant en arrière. Rien d’autre.
Mais qui gagnera la partie ?
Car n’oublions pas que ce sont des générations d’enfants – et futurs adultes – avec lesquels nous jouons.

Je suis dévastée par ce système dans lequel j’avais pourtant confiance.
Le désenchantement est immense.
Il est temps de parler, d’oser dire ce qu’il se passe réellement dans les écoles publiques et républicaines françaises.
Je ne peux plus cautionner ces conditions de travail devenues trop chargées émotionnellement et mentalement. Je fais le choix de ma santé.
C’est pourquoi je décide de ne plus appartenir à l’école, cette unité qui ne me permet plus de m’épanouir sereinement.

Mes chers élèves, pardonnez-moi. Ce n’est pas de votre faute. Mes chers collègues, je vous souhaite d’être heureux.
Vous êtes des profs passionnés et déterminés.
Vous donnez le meilleur pour vos élèves.
Mais je sais aussi que vous êtes des profs épuisés, malades et dépassés.

Aujourd’hui,
L’école est finie.

— Primaire, 2 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage n’autorise pas la reprise de ce témoignage par la presse.