J’enseigne l’anglais et l’histoire-géo, ainsi que la DNL, en classe européenne, dans un collège-lycée privé du Gers depuis neuf ans. Je m’y sentais bien et participais bénévolement à plein d’activités, ayant même été à l’initiative de voyages au Royaume-Uni.
Or, il y a environ trois ans, la direction a commencé à me harceler, sans que je n’y prenne garde au début. J’étais souvent convoqué au bureau pour des plaintes de parents, toujours anonymes, critiquant mon travail. Toutes mes demandes de confrontation et d’explications étant refusées, je profitai des réunions pour demander leur avis aux élèves et aux parents sur mes cours, et je fus surpris de voir qu’ils étaient globalement satisfaits. Je ne comprenais pas.
Et puis, cette année 2018-2019, suite à d’importantes pertes d’heures sur la dotation de l’établissement, plus de soixante, les deux directeurs ont passé la vitesse supérieure, dès octobre 2018.
Convoqué dans le secret de leurs bureaux, ces soi-disant catholiques n’ont cessé de critiquer mon travail, toujours selon des plaintes « anonymes » de parents, puis ils ont essayé de me faire chanter en me disant que si j’acceptais d’être déclaré en perte d’heures, malgré mon ancienneté, je serais prioritaire pour une mutation qui me permettrait de me refaire une image plus positive dans un autre établissement, puisque dans le leur, j’étais marqué comme « mauvais prof ».
Comme je résistais, invoquant les accords de branche de l’EN avec le privé, ce furent les menaces qui ont suivi : « Tu seras placé en perte d’heures, que ça te plaise ou non, car je suis le directeur et j’ai encore du pouvoir. »
Mon syndicat, SNEC-CFTC, m’a bien défendu sur ce point et son délégué, qui me soutient et que je remercie, a réussi à me conserver l’intégrité de mon service de dix-huit heures.
Ensuite, je fus accusé de véhiculer des idées extrémistes, en DNL, par le responsable du lycée, qui s’est vite aperçu qu’il poussait le bouchon trop loin et qu’il faisait encore fausse route.
Puis, l’autre directeur me dit, toujours dans le secret de son bureau, que comme j’étais célibataire et sans enfant, je devais accepter d’être mis en perte horaire.
Mais le pire était encore à venir.
Début juin, je me trouvais en voyage scolaire au Royaume-Uni, lorsque je reçus un SMS de ma direction disant que j’allais être inspecté le mercredi suivant en collège. Comme nous sommes rentrés le samedi soir très tard de notre voyage, j’ai eu trois jours de préparation. Par contre, cet IPR n’a pas daigné me prévenir officiellement, et a voulu rencontrer mes directeurs avant de faire son travail.
Comme je ne suis pas les « directives officielles de l’EN », complètement inadaptées au travail de classe et que mon seul souci est de faire progresser mes élèves en respectant les grandes lignes du programme et en les adaptant à leur niveau, j’en ai encore reçu une couche au cours de l’entretien qui a suivi de la part de ce « seigneur de la pédagogie » qui a fini de me mettre à terre moralement, refusant même de m’écouter lorsque j’ai essayé de lui expliquer ce que je subissais, me répondant « Ce n’est pas mon problème », uniquement préoccupé par ses réformes et l’application des méthodes pondues par des pseudo-je-ne-sais-quoi !
Ce fut trop, et je ne pus me rendre aux corrections du bac.
Je craquai et mon médecin me mit en arrêt maladie.
Ensuite, la direction, ne pouvant plus m’atteindre « physiquement », puisque j’étais désormais chez moi, a tenté une dernière mesquinerie.
Début juillet, le responsable du lycée envoie le service pour la rentrée et j’ai la mauvaise surprise de me voir assigner toutes les mauvaises classes au collège, alors que d’habitude chaque prof en prend une, avec en plus un service de dix-sept heures soixante-dix au lieu de dix-huit.
Je suis dévasté et me mets à marcher pour essayer de sauver mon esprit, alignant les kilomètres en plein soleil avec une arme dans ma poche, au cas où je ne pourrais plus supporter d’être ainsi massacré par ma hiérarchie de merde. Jamais je n’avais traversé une telle crise de je ne sais même pas quoi et j’ai vraiment risqué de me flinguer, seule ma mère ayant pu faire rempart à cette funeste pensée, ainsi que Dieu, que je prie chaque jour, et le délégué syndical, qui m’a soutenu tout l’été, malgré ses propres problèmes de santé.
À la rentrée 2019-2020, pour la première fois dans ma carrière, je n’ai pu reprendre mon poste, toujours victime de crises d’angoisse et suivi par un psychiatre pour « dépression ».
Je ne lis plus, ne peux plus regarder un film en entier, ai jeté mon cartable au fond du placard et suis incapable de me rendre seul quelque part, ne me sentant en sécurité que chez moi.
Voilà le résultat d’une hiérarchie toute-puissante et qui ne laisse aucune possibilité de défense à ses petits soldats qui essaient de faire leur travail, même s’ils ne sont pas dans le moule.
Le petit « mieux » est venu de mes élèves et anciens.
En effet, l’option DNL anglais, du fait de mon absence, a été supprimée par la nouvelle direction.
Le 2 novembre, j’ai donc expliqué sur Facebook ce que devaient faire les terminales s’ils voulaient tout de même présenter cette épreuve pour le bac, en candidat libre, et dit sommairement pourquoi je n’étais pas là, juste pour info. Les réactions des élèves et d’anciens, y compris de certains parents, m’ont complètement surpris. Je ne m’attendais pas à ces soutiens positifs et amicaux, qui m’ont fait sincèrement chaud au cœur. Je les remercie tous pour cela.
Mais cela montre qu’il y a vraiment une fracture grave entre la réalité du terrain et nos « théoriciens académiques » qui ne se préoccupent que de leurs programmes et de leurs réformes sans s’occuper du reste. Ils me font penser aux médecins de Molière, qui sont capables de soigner une jambe alors que le malade a mal à la tête !!!
En théorie, nous, les profs, devons avoir bouclé un programme scolaire pour l’année, avant la rentrée, sans connaître nos classes et nos élèves. C’est ubuesque !!!
J’adorais mon job, l’ayant découvert un peu par hasard en Angleterre ; et je reconnais que mon parcours dans la carrière n’est pas « standard » pour l’EN française. Simple AECE, malgré mon ancienneté, du fait de ma position « non conforme » selon les rapports des IPRS, je m’en fichais car j’étais bien avec les élèves et, sans être un génie, je ne réussissais pas plus mal que d’autres collègues. Mais, aujourd’hui, j’attends une réponse pour une mise en congé longue maladie et ne sais pas, ne sais plus…
— Enseignant au collège, 27 ans d’ancienneté