Menacé et accusé

Il y a deux ans, alors que je faisais cours devant une classe de 6ème, un individu entre dans ma salle (qui donne sur la cour) et me demande si je suis bien M. M***** ce à quoi j’acquiesce et il enchaîne en me disant qu’il allait me casser la gueule, me faire une tête comme un compteur à gaz si je touchais encore à son fils.

Tentant de le faire sortir pour éviter qu’il se donne en spectacle devant mes élèves, je l’invite à sortir sous un flot de menaces toutes plus fleuries les unes que les autres. Je reviens dans ma salle et rassure les élèves quelque peu affolés. Je surveille néanmoins si l’individu ne revient pas et continue à faire cours.

J’apprends par la suite que cette personne est entrée dans le collège prétextant de se rendre à la Vie scolaire où il n’y avait personne (les aides éducateurs étaient bien occupés, d’ailleurs), il est entré donc sans contrôle auprès de l’administration puisque nous étions sous Vigipirate !

Je suis finalement passé à l’inter-cours à l’administration qui n’avait pas vu entrer cette personne mais le chef d’établissement adjoint m’a certifié qu’il l’avait fait sortir de l’établissement en menaçant d’avertir la gendarmerie de la commune.

Je suis convoqué par le chef d’établissement, qui était dans l’autre unité dont il a la direction au moment des faits, pour me demander de réciter les faits qui s’étaient produits et de lui remettre un rapport d’incident. Ce que j’ai fait, bien évidemment, en précisant que je passerai déposer une plainte à la gendarmerie.

C’est alors que les jours suivants, j’ai été régulièrement convoqué, même pendant mes cours, par le chef d’établissement, en présence tantôt de son adjoint, tantôt de la CPE, pour me faire re-dire les faits, subissant une pression pour me demander ce qu’il s’était passé avec le fils de la personne en question, car tous les élèves de la classe de celui-ci (une classe de 6ème) affirmaient m’avoir vu donner un coup de pied aux fesses de celui-ci alors qu’il déposait son carnet de liaison sur le bureau à ma demande.

J’ai eu beau démentir, mes interlocuteurs me rétorquaient que si tous les élèves m’avaient vu, il était évident que je l’avais fait !

Finalement, lors de la dernière entrevue, ils m’ont incité à retirer ma plainte et à rédiger une lettre d’excuses au père de l’élève dans laquelle je m’excusais du geste envers son fils ! Ce que j’ai fait.

J’ai joins l’autonome de solidarité de mon département pour expliquer ma situation et j’ai rencontré un avocat qui m’a soutenu mais il était trop tard pour revenir sur mon retrait de plainte ; j’ai eu peur de passer pour un fou !

L’état de fébrilité dans lequel j’étais m’a miné plusieurs jours et l’ambiance chez moi était tendue car mon épouse, qui est professeure de sciences-physiques, ne comprenait pas que je me sois désisté, pensant même que j’aurai pu faire un tel geste.

Or, il s’est avéré que seuls les deux représentants de la classe avaient été vus par le chef d’établissement et non toute la classe. Que des élèves, interrogés par mon épouse, confirmaient ma version mais que l’élève “agressé” les menaçait de représailles s’ils parlaient.

Les parents de ces élèves craignaient aussi le père qui m’avait agressé car il est connu pour son attitude dans le village. J’ai donc fini l’année scolaire sans même manquer une seul heure de cours (sauf celles pendant lesquelles j’étais convoqué par le chef d’établissement…).

J’ai vécu cet épisode comme une trahison !

Quelques collègues sont bien allé rencontrer le chef d’établissement, qui a cru que c’était à ma demande (!), pour s’entendre dire que si j’avais été “innocent”, je me serai arrêté de travailler !

Sans doute ne voulait-il pas faire de vague pour assurer sa mutation dans un établissement plus prestigieux qu’un groupement de collèges dans le fin fond de l’avesnois et ménager sa nomination au grade supérieur des palmes académiques.
Rassurez-vous, il a obtenu les deux ! Une cité scolaire du valenciennois renommée et, bien sûr, les palmes académiques avec l’article dans la presse locale qui va avec.

Mon ressenti est le dégoût, non pas de mon métier, même si ma motivation s’est bien émoussée après 28 ans de carrière, mais de la confiance en nos chefs d’établissement (l’adjoint, lui, est resté dans le collège).

Je fais mon métier et rien de plus ! Je ne m’investis plus dans aucun projet quel qu’il soit.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout ! J’espère pouvoir évacuer cette rancœur qui me ronge encore deux ans après sans que j’en fasse part à qui que ce soit, si ne n’est à vous…

Recevez mes salutations cordiales !

— Collège, 28 ans d’ancienneté

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.