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Passionnée, mais jusqu’où tenir dans cette violence ? Et que faire pour en sortir ?

J’adore transmettre, j’adore mettre tout ce qui m’est possible en œuvre pour l’apprentissage, les progrès, et le bien-être des élèves. Mes classes de prédilection sont la maternelle, car je peux puiser chaque jour dans ma créativité féconde : inventer des activités, même créer des livres pour faire passer sur-mesure des notions importantes. Une vingtaine d’année dans l’Éducation Nationale, quelques années en maternelle.

OK ! Alors où est le problème ?

Le problème c’est quand je ne peux plus mettre ces super chouettes activités en œuvre, parce que X crie sans s’arrêter et que je ne peux même pas lire une histoire, parce que Y marche sur les jambes des copains assis par terre au coin regroupement, parce que X va sous les tables au moment des ateliers et tape ses camarades qui sont en train d’essayer de faire l’activité, parce que X s’accroche de toutes ses forces aux porte-manteaux du couloir, du coup, le groupe ne peut pas avancer pour aller en récré, parce que X pousse systématiquement et violemment les copains quand on court en motricité, parce que X s’enfuie de la classe, parce que X balance une chaise d’adulte en bois et métal et celle-ci voltige sur 5 mètres, parce que X étrangle un copain, parce que X bouscule violemment des filles de Petite Section à la renverse sur le bitume, et dès qu’elles se relèvent, il recommence même quand je lui crie d’arrêter en sprintant vers eux pour mettre ses victimes en sécurité, parce que X m’arrache mon cahier d’appel des mains pendant que je fais l’appel, parce que X détruit systématiquement les belles constructions des copains, parce que que X ne peut pas jouer dans le même espace que les autres à la récréation sinon il les tape ou les étrangle, et j’en passe…

Et pourquoi ils font ça ?

Leur histoire douloureuse, sans aide suffisante, leur handicap non diagnostiqué parce sans papiers, leur souffrance non suivie parce que les familles pensent que c’est la faute de l’école et que l’école exagère ou parce que les collègues n’ont pas réussi à faire les démarches avant.

Quelle aide ?

Une conseillère pédagogique qui dit que tout est normal, qu’il faut intensifier les apprentissages, une personne à la direction de l’école qui harcèle et agresse, ou qui s’écrase devant les parents qui ne respectent pas le règlement intérieur, des collègues qui disent: “Moi j’y suis bien arrivé avec un tel !” ,”Tu as essayé de lui aménager un petit coin tranquille ? , car si l’enfant se met sous les tables pour taper, c’est qu’il a envie d’être dans un espace “cocon” :-)).

Une personne de l’inspection a dit à une collègue “Vous me dites qu’un enfant porteur de handicap se cache et qu’on ne le trouve plus ? Attention, c’est grave, je peux vous mettre un blâme pour défaut de surveillance !”
Bon, je pense que vous m’avez comprise…

Je suis actuellement à la recherche d’un emploi que j’aimerais bien et au SMIC (car prétendre à plus n’est pas évident en sortant de l’Éducation nationale). Là encore rien n’est simple. L’institution rend très troubles les démarches pour en sortir. Et une fois qu’on y voit plus clair sur les rouages (pour moi, au bout de 5 mois !!!!!), ce n’est pas pour autant simple de trouver un emploi en tant que PE sur le marché du travail. Il me faut donc avant tout garder beaucoup beaucoup de courage et de persévérance…

Au jour d’aujourd’hui, après plusieurs mois d’arrêt et de recherche, je n’ai toujours aucune perspective, et qui s’en soucie ?

—  Primaire

L’auteur de ce témoignage autorise la reprise de ce témoignage par la presse.