Dans notre petit collège de campagne, nous “subissons” depuis quatre ans des insultes, des incivilités de la part d’environ 10 à 15 élèves par année scolaire sur environ 320 élèves. Chaque élève avait des “excuses” – dixit notre ancien principal : l’un avait assisté au meurtre de son grand-père paternel et de sa grand-mère maternelle par son propre père alors qu’il avait quatre ans, l’autre avait un foyer instable, le troisième une mère alcoolique et pas de père, untel est “désœuvré, déstabilisé” par le divorce de ses parents, etc.
Quand les profs allaient signaler un problème ou demandaient une exclusion, la réponse était parfois le renvoi dudit élève dans “sa classe”. Sourire aux lèvres, bien sûr… Ce même principal se permettait de nous dire “remettez-vous en cause !”, “prenez du recul”, “à vous de gérer votre groupe !”.
Cette année, nous avons un nouveau principal qui éprouve de la compassion pour nous et tente de nous aider en recevant les parents, en discutant avec nous, en nous incitant à porter plainte à la gendarmerie si les propos sont trop odieux et indécents. Nous devons cependant vivre “avec”, n’exclure l’élève que si la classe est totalement perturbée car les principaux de collège seraient “descendus” par leur hiérarchie s’ils osaient mettre en œuvre des conseils de discipline… Or, rattraper quatre ans de laxisme n’est pas une mince affaire. Nous avançons donc sans enthousiasme.
Ma foi en “l’éducation” est très altérée et j’avoue qu’hélas, de jeunes collègues commencent leur carrière en étant plutôt désabusés. Car comment imaginer enseigner en zone sensible en banlieue de grande ville si nous subissons de telles violences morales et verbales, dans un collège rural ?! J’ai été traitée de “vieille connasse“, de “salope“, de “dingo“, de “vieille conne“, et j’en passe ! J’ai d’ailleurs porté plainte à la gendarmerie, pour la première fois de ma vie professionnelle. Or je vais avoir 60 ans cette année !, et l’an dernier par une élève et cette année, aussi par sa petite sœur (une élève de cinquième), une collègue de 23 ou 24 ans, a, elle, été traitée de jeune incompétente par la même élève et le tout assorti de commentaires à haute voix, très insultants ! Voilà un constat parmi tant d’autres !
Une amie prof d’allemand aussi, mais dans les Ardennes, dans un collège multi-sites subit exactement les mêmes “assauts” de la part d’élèves de cinquième. Elle a deux classes ingérables.
Que faire ? Vers qui se tourner ? Faire semblant de se sentir bien ?
Vous avez mon nom, mon mail, mais je vous serais très reconnaissante de ne pas les mentionner. Bien que je sois bien notée, à l’abri de tout problème, au dernier échelon possible, il me serait vraiment pénible de devoir “avouer” mon “incompétence” face à des jeunes hors d’atteinte. Sans éducation, sans peur, sans scrupules certes, mais “entretenus” dans cette voie par une hiérarchie (Inspection d’Académie, rectorat) qui tient à éviter tout mouvement, toute évocation de “problèmes au sein de l’école publique” !
Quelle misère pour tous ces élèves “moyens”, éduqués, qui perdent leur temps avec ces “cas” qui, en tant que leaders avérés savent en raccrocher un bon nombre derrière eux ! Nous manquons de structures capables de ramener dans le droit chemin ces enfants qui vont à la dérive. Le problème est là !
— Collège, plus de 30 ans d’ancienneté